Autant j’ai « flagellé » mes sœurs camerounaises dans le billet que j’ai consacré à leur addiction aux cheveux artificiels, autant, je vais les caresser dans le sens du cheveu en ce qui concerne la thématique qui suit.
Pourquoi les camerounaises n’aiment pas leur peau noire? En bon camerounais que je suis, j’ai questionné, papoté, interrogé autour de moi, et je suis certain d’avoir trouvé sinon une justification à cette tendance, du moins des circonstances atténuantes aux tenants de cette pratique.
Laissons de côté les thèses afro-féministes qui tendent à expliquer tous les écarts de la gent féminine par des discours savants. Laissons de côté les grands mots : aliénation, acculturation et autres…
Le blanchiment est et reste avant tout un effet de mode et d’esthétique. Etre claire de peau pour une camerounaise c’est être à la mode, être dans le vent, être branchée, c’est plaire, c’est fashion.
Tandis que le reste du monde s’évertue à trouver des canons de beauté compliqués à la Femme, les sujets du Roi Lion ont coupé court. La femme belle est claire de peau, plantureuse aux endroits qu’il faut, avec les jambes poilues en option.
Ceci étant, être une fille noire (j’entends sombre de peau) devient une condition pas très enviable. Un vrai parcours de combattant commencé très tôt:
L’enfance c’est la période des petits noms comme savent en donner les enfants : blacky,noirata, noiraude.
L’adolescence est encore plus dure. C’est la période lycée, on s’exerce aux métaphores,La Nuit, Black Satan, et les expressions méchantes « noire comme les fesses d’un fou » ,« ma sœur tu n’es plus noire, tu es bleue ».
Avec l’âge adulte, les choses ne s’arrangent pas. On tombe dans l’hypocrisie, regards écarquillés, estampillage automatique (j’habite à côté de la femme noire là).
Voilà pourquoi, dès les premiers signes annonciateurs d’un mélanisme latent, la jeune camerounaise se renseigne à gauche et à droite :
Je dis hein ma coo, comment on fait pour avoir la peau douce ?
Douce hein ? Personne n’est dupe.
Ma coo, avant, moi aussi j’étais Njouksa, mais mon dermatologue là fait des miracles.
En fait de dermato, il s’agit d’un jeune Mbouda, commerçant au marché central, chimiste à ses heures perdues, expert en mélanges corrosifs de tourtes sortes. Même les profanes peuvent dresser leur liste de courses tant les noms de ses produits sont parlants : Immédiat clair, 48h claire, bioclair, clarissime, clarabelle, White express, Sivoclair, Peau claire, le tout accompagné de l’inévitable savon Mékako, véritable concentré d’hydroquinone. Mais les anciennes savent qu’il vaut mieux aller « au-delà des apparences » et laisser l’expert vous sortir son arme de destruction massive : un mélange de sa composition, au PH dangereusement acide, à la formule aussi secrète et lucrative que celle du Coca Cola.
Et ça marche. Le secteur des cosmétiques « éclaircissants » est l’un des rares où la publicité est rarement mensongère, et la crise inconnue…
Moi je les comprends ces camerounaises qui veulent s’éclaircir. Dans ce pays, le noir n’a pas la cote. Les noires non plus. A part quelques « connaisseurs » rares comme les larmes de Poutine, qui fantasment sur les « produits sombres », le slogan « Black is beautiful» a fait long feu.
Le proverbe qui dit que la nuit tous les chats sont gris n’est sûrement vrai que pour les chats. Je sais par expérience que la nuit, les filles noires sont sombres ou pire, bleues… Les filles claires réfléchissent la lumière et brillent encore plus. Réflexion. Principe physique. Tout ce qui brille n’est certes pas or, mais il faut d’abord briller pour être confondue ne serait-ce qu’à l’aluminium. Et ce n’est pas moi qui le dis: pourquoi je fais le maquillage? Mon frère ! quand tu ne brilles pas ici dehors, qui te voit ?
Cynique ? je l’admets. On va faire comment? L’exemple vient du sommet du Royaume. Tout le monde craque pour les claires. D’ailleurs, dans certaines régions, les filles n’hésitent pas à copuler avec des espèces plus claires afin de diluer la noirceur de leurs gènes et garantir à leurs enfants un meilleur avenir !
si ! si ! L’Europe étant loin, la demande en hommes clairs de peau est devenue si forte sur le marché que certains de mes compatriotes de sexe masculin n’hésitent pas à recourir aux mêmes mixtures éclaircissantes que les femmes.
Vous avez sans aucun nul doute déjà observé le spectacle de ces hommes noirs comme des lutteurs sénégalais, mais à la figure étrangement livide comme des chanteurs congolais.
Mais… Mon beau, comment tu es devenu blanc comme ça ?
Laisse-moi mon frère, j’ai confondu mon lait de toilette avec celui de madame.
Bon c’est vrai qu’une confusion qui dure des semaines prête à suspicion, mais ceci est un autre sujet.
Peace mes frères !